Janvier.
Ou l’histoire d’un rhinocéros blanc
19 janvier 2018
Vendredi 19 janvier 2018. Après une année de voyage autour du monde, je retrouvais enfin mon domicile. Deux mois plus tard, jour pour jour, le dernier rhinocéros blanc du Nord mâle disparaissait. Et avec lui disparaissait son espèce.
Le voyage m’avait ouvert les yeux à la beauté de notre monde, autant qu’au gaspillage de notre société occidentale. Je venais de vivre une année, traversant tous les climats, et tous les contextes sociaux – de la rue jusqu’à l’hôtel cinq étoiles – avec en tout et pour tout un sac à dos de moins de dix kilogrammes: un seul pull; trois pantalons; trois paires de chaussures. Et maintenant de retour, je glissais à nouveau lentement sur la pente de la consommation, m’entourant d’objets inutiles et m’encombrant de choses dont je n’avais pas besoin.
À la mort de ce rhinocéros, je ne pus m'empêcher de mettre nos deux histoires face à face. Sa disparition. Et moi, et la place grandissante que je redonnais à cette société de surabondance. Le plaisir d’un seul individu face à l'extinction complète et définitive d'une espèce entière.
Mais le noeud le plus douloureux – encore aujourd’hui – est sans doute le voyage lui-même: être allé au bout du monde chercher ces merveilles que mon mode de vie est en train de détruire. Je suis parti à la rencontre de la diversité et de la richesse de ce monde, afin d’y trouver ma place. Mais comment s’enrichir dans un monde que l’on appauvrit? Comment trouver sa place dans un monde que l’on détruit? Partir voir des choses extraordinaires telles que ce rhinocéros, alors même que ma façon de vivre les fait disparaître. Et si je ne suis pas directement coupable, comment ne pas se sentir un peu responsable malgré tout?
Ce voyage m’a ouvert les yeux; a façonné ma vision et ma façon de penser. Ce voyage m'a aussi sensibilisé à la diversité du monde, de la vie, et la nécessité de la protéger. Et m’a aussi donné les moyens de le faire: pour la première fois de ma vie, à mon retour, j’ai eu envie de prendre une place dans ce monde; de faire entendre ma voix; de servir une cause! Partir m’a permis de trouver ma place, ici. La vie a parfois ses chemins chargés de mystères: Ecosia, La vie est Belt ou Janvier; autant de projets nés d’un voyage autour du monde, dont le but est désormais de le protéger. Ce voyage a été un des rouages de la grande machinerie de la vie qui, avec d’autres choses, ont mené à la création de Janvier.
Mais la responsabilité a aussi sa place. Et voyager m’a montré à quel point j'étais privilégié, moi, Européen, libre de voyager, de penser et de raconter, avec un accès à l'eau, à l'éducation, à Internet. Et que si cela m'offrait des possibilités incroyables comme celles de ce voyage, elles impliquaient aussi des responsabilités: «With great power, comes great responsibility*».
*Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.
« With great power, comes great responsibility. »
La culpabilisation ne m'a jamais paru une voie constructive. Je ne vais pas culpabiliser sur mon voyage; ou sur notre mode de vie. Mais je vais me battre pour le changer. Je vais m'impliquer plus que jamais pour ce monde, pour sa beauté, pour sa diversité; parce que je crois que ce combat est juste, nécessaire, et que trop de gens préfèrent encore l’ignorer, ou n’en ont simplement pas conscience. Et cette page en est le commencement. En l'honneur de ce rhinocéros blanc.
Bienvenue sur Janvier.